2. Rappels épidémiologiques et cliniques

A. Rappel épidémiologique

1. Prévalence

Une étude faite sur une population de 2534 étudiants par G. Christenson, retrouve une prévalence sur la vie de 0,6 %. Assouplissant ses critères diagnostics l’auteur arrive à porter le diagnostic chez 1,5% des sujets de sexe masculin et 3.4 % des sujets de sexe féminin.

Chez l’enfant plus petit, les données épidémiologiques sont moins systématisées ; la formulation de J. Ajuriaguerra – « moins rare qu’on ne croit » – résumant la situation.

2. Âge d’apparition, sexe ratio

Nous avions dans un précédent travail repéré un regroupement bimodal de l’âge d’apparition des trichotillomanies.

Un premier contingent de trichotillomanies apparaît dans la première enfance (surtout la deuxième année). Pour ces trichotillomanies d’apparition précoce, le sexe ratio est très en faveur des individus de sexe féminin. Cette répartition bimodale est retrouvée par d’autres auteurs. S. Swedo individualise ces deux contingents de patients : d’apparition précoce (11 à 54 mois) et d’apparition plus tardive (environ à l’âge de dix ans chez les garçons et 12,5 ans chez les filles), différents par leurs modalités évolutives. Si l’on retrouve assez peu d’antécédent de trichotillomanie de la petite enfance chez les patients du second groupe on peut en revanche mettre en évidence pour ces mêmes sujets la grande fréquence d’antécédents de conduites apparentées (balancement, auto-cognement de la tête, etc.) dans les deux premières années de la vie.

3. Durée d’évolution

Il semblerait que l’apparition tardive de la trichotillomanie, c’est-à-dire à l’adolescence et à l’âge adulte est caractérisée par un plus mauvais pronostic.

Outre l’âge d’apparition, un autre élément semble influencer le pronostic évolutif à long terme de cette conduite. C. Chang et coll. mettent en évidence une évolution longue et difficile pour les sujets dont la perte de cheveux excède 6 mois, en revanche, ceux pour lesquels cette perte est apparue depuis moins de 6 mois répondent en général bien à quelques consultations thérapeutiques et ne semblent pas rechuter (plusieurs mois de suivi).

B. Clinique

Deux caractéristiques cliniques sont quasi constantes, quel que soit l’âge du patient : l’isolement au moment de son geste et la prédominance et l’intensification vespérale de cette conduite (au moment du coucher ou de l’endormissement). Les conduites d’avulsion sont également décrites lors de moments de rêverie. Les peluches, les jouets ou d’autres individus font parfois les frais de la compulsion d’arrachage des trichotillomanes.

Dans la trichotillomanie, les cheveux ne sont pas seulement arrachés. Ils subissent un sort assez systématisé pour chaque patient, le plus souvent manipulés, suçotés, mâchonnés et parfois même déglutis.

De nombreux patients (sinon la totalité) présentent d’autres conduites mettant en jeu le corps. Les plus petits se balancent, cognent leur tête, se griffent parfois. Pour les trichotillomanies d’apparition tardive, G.Christenson, retrouve chez 85% de ses patients des conduites analogues mettant directement en cause l’auto-stimulation du corps : succion du pouce, mâchonnement de la langue ou des joues, morsure des lèvres, auto-cognement de la tête, balancement rythmique.

Il est d’autre part frappant de constater que la région orale est fréquemment concernée par de telles conduites. La succion du pouce, semble si fréquente et si liée à la trichotillomanie que S.Knell traite l’une pour faire disparaître l’autre (l’arrêt de la succion du pouce va entraîner l’arrêt de la conduite trichotillomaniaque).

C. Les antécédents

1. Les antécédents personnels de pathologie du cuir chevelu

Le plus souvent récents ou de traumatisme du scalp, voire de forceps, ils semblent parfois aider à comprendre le choix du symptôme. Dans un certain nombre de cas, des diagnostics de pathologie dermatologique sont portés par erreur; ainsi S. Muller estime qu’un tiers des patients adressés avec un diagnostic de pelade ont en fait une trichotillomanie.

2. Antécédents familiaux de pathologie du cuir chevelu

Des antécédents familiaux particuliers d’alopécie sont parfois retrouvés : une tante maternelle souffrant d’une alopécie secondaire à une maladie infectieuse d’origine inconnue, une mère se rasant le crâne pour des motifs religieux…

La surincidence de trichotillomanie dans la famille des patients est notée par certains. S. Swedo rapporte des antécédents familiaux de trichotillomanie chez 4 à 5 % des parents du premier degré.

D. Les facteurs contextuels

Les ruptures, séparations et deuils marquent l’apparition des trichotillomanies.

Comme le souligne A. Oranje, la trichotillomanie se développe en général dans un climat psychosocial éprouvant chez l’enfant ; il retrouve 16 fois sur 21 un facteur objectivement susceptible d’avoir déclenché la trichotillomanie : hospitalisation de l’enfant ou de l’adolescent, hospitalisation de la mère, venue au monde d’un frère ou d’une sur, situation d’immigration.

Chez 4 enfants âgés de 13 à 29 mois, L. Houde et H. Breton mettent en évidence un changement traumatique (I.e. brutal) susceptible d’avoir déclenché par lui-même la trichotillomanie chez un seul enfant, mais soulignent la constance de la diminution de la satisfaction relationnelle, l’existence d’une perturbation plus ou moins sévère de la relation mère-enfant pour les quatre.

Des décès récents peuvent être également mis en évidence tant chez l’enfant que l’adolescent ou l’adulte, dans 40 à 50% des cas environ.

F.Manino et R.Delgado, H.Winnink et F.Gabbay pensent que les carences, les interruptions ou la discontinuité dans les soins maternels durant les quatre premières années de vie contribuent significativement au développement des trichotillomanies non seulement précoces mais également tardives.

Nous avons également relevé:

  • des grossesses difficiles ou à suites difficiles. On retrouve assez régulièrement des situations qui ont, à un moment ou à un autre fait craindre la disparition possible de l’enfant à venir ou nécessité des hospitalisations précoces.
  • des dépressions pendant la grossesse, le post-partum.
  • l’arrivée d’un puîné.