2. La typologie

A. Présentation

La lecture typologique tente de découvrir la présence cachée du Christ au fil des pages de la Bible. Elle cherche à trouver dans le texte des types, c’est-à-dire une préfiguration, un symbole annonciateur de Jésus ou de la vie chrétienne. Elle tente de repérer en quoi tel événement ou tel personnage, tel lieu, est une figure, une ombre, un modèle de Jésus et de son oeuvre. Elle établit ainsi une correspondance entre ce qu’annonce l’Ancien Testament et ce qu’accomplit le Nouveau Testament. Elle est utilisée par les auteurs du Nouveau Testament.

C’est le cas lorsque Paul explique en quoi le déluge est un type du baptême ou encore que le rocher rencontré par le peuple d’Israël dans le désert, c’est Jésus. D’ailleurs dans ce passage, Paul ajoute: «Tous ces faits nous servent d’exemple» (1 Corinthiens 10,1-6.). Ce terme grec employé ici est le mot tupos qui va donner le terme «type». C’est le cas lorsque Jésus évoque le serpent d’airain dressé par Moïse pour guérir les Israélites mordus dans le désert, et qu’il l’emploie comme image de son œuvre future (Jean 3,14).

Un autre exemple concerne la Pâque, car ce rituel préfigurait l’œuvre de Jésus: l’agneau sans tache qu’on sacrifiait lors de cette fête est une figure de ce que Jésus allait accomplir. (Voir par exemple 1 Pierre 1,18ss. Voir aussi 1 Corinthiens 5,7 où Paul appelle Christ «notre Pâque»)

Les types que l’on trouve dans le Nouveau Testament concernent des personnes (Moïse Adam, Melchisédech, Jonas), des événements (le déluge, le serpent d’airain), des objets et animaux (l’agneau, l’encens), des institutions (les fêtes, la prêtrise), des lieux (Canaan, Jérusalem, Babylone) ou des événements (la délivrance d’Egypte; la circoncision).

La lecture typologique ressemble à l’allégorisation dans la démarche. Comme la lecture allégorique, elle recherche un sens spirituel sous-jacent au texte biblique. Il y a cependant deux différences. Tout d’abord, dans la lecture typologique, on prend au sérieux le sens historique du texte: on croit qu’il y a toujours deux sens (historique et caché), tous deux bien réels. La signification spirituelle n’est pas toujours la seule prise en compte, le sens propre du texte est aussi souvent écouté. La seconde différence, est que dans la typologie, le sens spirituel recherché est uniquement lié à Jésus et à la nouvelle alliance. Son objet est donc plus précis que la lecture allégorisante.

B. Les avantages de la lecture typologique

Dans cette approche, le Christ est considéré comme le grand exégète, le grand interprète de l’Ecriture. En effet, nous sommes invités à discerner Christ dans l’ensemble de la révélation. Et la typologie permet cela, puisqu’elle retrouve le fil rouge de tous les événements et découvre la manière dont ils anticipent l’événement par excellence, la venue du Christ. C’est ainsi que la typologie nous permet de mieux comprendre l’œuvre du salut.

De plus, cette lecture met en valeur l’unité de l’Ancien et du Nouveau Testament, elle en souligne le lien et l’inspiration.

L’inspiration des Ecritures est l’ «action du Saint-Esprit agissant sur l’auteur biblique et lui permettant d’exprimer d’une manière exacte ce que Dieu lui a révélé». (Jules-Marcel NICOLE, Précis de doctrine chrétienne). Ou, pour le dire autrement, «les auteurs de la Bible ont écrit en coopération avec l’Esprit de Dieu et leurs paroles sont à la fois parole humaine et parole divine.» (Paul WELLS, Quand Dieu a parlé aux hommes).

En effet, la typologie repose sur la constance de l’action divine, le fait que Dieu ne change pas: il a agi de telle façon, il agira encore de même maintenant et toujours. De plus, elle met en évidence la similitude entre deux situations à priori assez éloignées, ce qui permet de faciliter l’actualisation, l’appropriation de certains passages.

C. Les limites de cette approche

Si certaines explications exégétiques de Paul ou d’autres auteurs du Nouveau Testament montrent qu’il y a un sens spirituel, typologique dans un certain nombre de textes bibliques, préfigurant des réalités à venir, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres textes de la Bible. On fait violence à ces textes-là en tentant à tout prix une interprétation christique, relativisant ceux qui en parlent vraiment. De plus, cela conduit à oublier le sens premier du texte. La pratique trop systématique de la typologie est en réalité l’exagération d’une vérité, à savoir la présence du Christ dans les Ecritures. Mais cette exagération risque de s’avérer périlleuse surtout quand elle s’applique à établir des doctrines sur le retour du Christ.

Examinons quelques règles simples qui nous aideront à garder notre équilibre:

  • Accepter comme type ce qui est accepté comme tel dans le Nouveau Testament

Bien entendu, on considérera qu’une histoire ou un personnage sont un type du Christ si un auteur de la Bible les présente ainsi. Dans les textes où aucun auteur ne les a clairement indiqués comme type, on peut néanmoins s’en servir comme illustration tout en veillant à ne pas aller trop loin dans la comparaison. On se contera alors de suggérer qu’il y a sans doute là un type, sans prétention de vérité. Car les auteurs du Nouveau Testament n’ont pas cherché à exprimer de façon exhaustive toutes les préfigurations qui pouvaient exister sous l’ancienne alliance. La liste de leurs explications typologiques est donc ouverte et il est permis de pousser la réflexion dans les directions qu’ils ont indiquées, mais avec prudence.

  • Un type est la description imparfaite de la réalité qu’il préfigure

Tous les détails ne sont pas à prendre en compte ni à la lettre. Lorsqu’on est face à un type, il ne faut pas forcer un parallèle. Ce ne sont pas tant les détails que les grandes caractéristiques qui ont une portée figurative.

  • Ce procédé ne sert pas de base à une doctrine mais la confirme

Prenons un exemple, celui de l’histoire de Ruth et de Booz. Booz, qui est parent du défunt mari de Ruth, épouse celle-ci au nom de la tradition du goël.

Le goël, littéralement le racheteur, était le parent proche à qui incombait le devoir de ne pas laisser aliéner le patrimoine familial en rachetant les terres du défunt. De plus, en lien avec la loi du lévirat (Deutéronome 25,5-10), si la veuve n’avait pas d’enfant et que le frère du défunt ne pouvait épouser cette veuve, le devoir de l’épouser était alors transmissible à un parent plus éloigné, comme c’est le cas ici pour Ruth.

Certains y virent là une illustration, un type du Messie. De même que Booz est apparenté à Ruth, Jésus est devenu parent de l’homme par le sang grâce à la naissance virginale; comme Booz possède les richesses nécessaires pour racheter l’héritage perdu, Jésus est capable de payer pour les pécheurs; Booz a la volonté d’épouser Ruth la délaissée, de même le Christ veut être l’époux de l’Eglise en la rachetant. Toutefois, aucun auteur du Nouveau Testament ne reprend ce type. Dresser un parallèle entre l’action de Booz et l’œuvre du Christ n’est donc pas une interprétation totalement erronée mais elle ne peut servir que d’exhortation et non pas de base doctrinale. Sinon, si on se contente pour ce passage que d’une approche typologique, on passe à côté de la beauté du texte dans son sens premier: une païenne, une étrangère au peuple de Dieu va être en bonne place dans la lignée du Messie!

Les lectures typologique et allégorique, bien que présentant certains attraits, sont à manier avec précaution. On essayera donc de trouver à côté d’elles une autre forme de lecture de la Bible pour parvenir à une compréhension et une actualisation des Ecritures.

Bibliographie

Jules Marcel NICOLE, Précis de doctrine chrétienne, Institut biblique de Nogent, 1983

James BRAGA, Etudions la Bible, Vida, 1988

Paul WELLS, Quand Dieu a parlé aux hommes, LLB, 1985

Evangelical Dictionary of Theology, éd Walter A.Elwell, Paternoster/Bakerbooks, 1984

Pierre GRELOT, Le sens chrétien de l’Ancien Testament, Desclée, 1962

Henri DE LUBAC, Exégèse médiévale. Les quatre sens de l’Ecriture, Aubier, 1959

L’auteur : Valérie Duval-Poujol est Doctorante en théologie (en exégèse)