1. Trois cas de figure

Si nous mettons de côté ces situations, il y a trois cas de figure où le pardon est en jeu :

A. Premier cas : l’offenseur est conscient de son offense et il se repent.

L’offensé est invité à lui pardonner, comme l’évoque le texte de Luc 17.3 : « Si ton frère s’est rendu coupable d’une faute, reprends-le et s’il la reconnaît, pardonne-lui ». Ce cas ne pose pas de problème majeur.

B. Deuxième cas : l’offenseur n’est pas conscient de sa faute, du mal qu’il a fait.

C’est le cas évoqué en Matthieu 18.15 : « Si ton frère s’est rendu coupable, va le trouver et convainc-le de sa faute ». Le texte de la Bible est simple : l’offenseur reconnaît ensuite sa faute et la gravité de la situation telle que la victime la décrit. Dans ce passage de Mathieu, Jésus explique le cheminement toujours valable. Une démarche discrète, personnelle qui se résume par ces mots : « voilà ce qui s’est passé, ce que tu m’as fait ; ce que j’ai ressenti, ce que cela a fait dans ma vie ; ce que j’attends de toi aujourd’hui ». La victime peut alors accorder son pardon à celui qui se repent.

Il s’agit ici de bien plus qu’un simple regret. L’offense crée une dette à l’égard de la victime, un contentieux. L’offense de l’autre inflige une blessure, qui ravive souvent des blessures de l’enfance plus ou moins profondes. L’offense, parce qu’elle nous fait mal, suscite des réactions émotionnelles voire physiques. La réaction sera d’autant plus forte que la blessure est profonde.

ET SI L’OFFENSE REAGIT MAL ?

Tout se complique par le fait que nous ne sommes pas parfaits dans nos réactions de blessé. Même si nos réactions sont légitimes, la façon dont nous réagissons est parfois maladroite. Mais nous ne devons pas confondre la manière de réagir avec le droit de réagir, la forme et le fond, la dette et la blessure. Je suis triste, blessé, déçu par le comportement de quelqu’un, ce qui est légitime, mais je vais souvent mal exprimer cette déception, cette tristesse ou cette colère. Je me sentirai alors coupable de ma réaction et je confonds le mal que j’ai éprouvé et la réaction que j’ai eue. Les deux ne sont pas à mettre sur le même niveau de responsabilité.

PARDON ET RECONCILIATION

Le pardon peut éventuellement déboucher sur une réconciliation, ce qui n’empêche pas de rester vigilant si nécessaire afin de ne pas être blessé une nouvelle fois. Pardonner ne veut pas dire que les deux protagonistes se retrouvent comme avant l’offense ; pardon et réconciliation sont deux choses différentes, l’un n’impliquant pas obligatoirement l’autre.

C. Troisième cas : l’offenseur refuse de reconnaître le mal commis.

C’est le cas le plus difficile mais aussi celui que nous rencontrons le plus souvent en relation d’aide. L’offense ravive ou génère une plaie, une douleur. Les sentiments normaux qui devraient s’exprimer alors sont la tristesse et la colère. Il est anormal de ne pas réagir à une agression grave, ce serait comme si la douleur ne fonctionnait plus dans le corps. Il est normal et logique d’éprouver de la colère devant l’injustice et la souffrance subie ou de la tristesse en constatant les conséquences que tel comportement a eues dans sa vie. Si on accepte assez bien de reconnaître sa tristesse, la colère pose un problème. Or nier sa douleur, c’est manquer de respect à soi-même. Nier sa colère, c’est ne plus se respecter. La colère reconnue et bien exprimée apparaît comme nécessaire, légitime, naturelle. Il faut apprendre à l’exprimer et comprendre son rôle.